Optimisation des performances d’un centre d’appel grâce à l’IA
L’introduction du logiciel ChatGPT d’OpenAI a propulsé l’intelligence artificielle générative sous les feux de la rampe, mais ces techniques sont déjà en train de se déployer dans divers secteurs d’activité. Comme en témoigne une récente étude intitulée : Generative AI at Work. Parmi les auteurs figure Erik Brynjolfsson, co-auteur avec Andrew Mcafee d’un livre influent paru en 2017, soit avant l’émergence de l’IA générative. Ce livre, intitulé « Des Machines, des plateformes et des foules », explore les gains de productivité et les implications en termes d’emploi dans l’économie numérique.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs s’intéressent à l’effet de l’IA sur le fonctionnement des centres d’appel, dont la fonction est de répondre par chat aux questions et souvent aux plaintes des clients envers un fournisseur. Pour cela, ils ont utilisé le livre d’appels d’un centre au service d’une très grande entreprise étatsunienne qui a introduit cette technologie (toutes les conversations sont enregistrées comme le sait toute personne qui a déjà recouru à un chat pour sa demande). Ils ont pu ainsi faire une vraie expérience naturelle consistant à mesurer les performances du centre (dans la réponse efficace aux demandes et plaintes des clients) selon que l’équipe utilise ou non l’assistance d’un robot d’AI générative, c’est-à-dire capable de générer, s’agissant du langage, des contenus sémantiques dans un français correct.
Le rôle du logiciel était de proposer des réponses potentielles aux questions des clients, l’agent pouvant accepter la suggestion ou l’ignorer, en saisissant alors sa propre réponse.
Le résultat de l’étude est que l’introduction de l’outil a accru de 13,8 % le nombre de cas résolus par heure à la satisfaction du client. Trois raisons sont mises en avant : a/ les agents, qui en général participent à plusieurs chats en même temps, passent environ 9 % de temps en moins par chat ; b/ ils traitent environ 14 % de chats en plus par heure et ont résolu avec succès environ 1,3 % de chats en plus. Et la satisfaction des clients est la même. C’est ce que montre le graphique qui suit où l’on voit le avant et le après de l’introduction de l’outil.
Un résultat intéressant de l’étude est que l’avantage de l’outil IA est beaucoup plus important pour les employés peu expérimentés (ils enregistrent un gain de performance de 35 %) alors que le gain est faible pour ceux qui ont une forte expérience. De plus, le logiciel a un effet de formation pour les nouveaux employés qui acquièrent beaucoup plus vite l’expérience faisant d’eux une personne performante sur l’emploi.
Ceci pourrait vouloir dire deux choses différentes :
- L’outil est au fond un moyen de se passer de l’expérience des employés, et donc à terme de les remplacer complètement sans que le public s’en aperçoive. Cela laisse présager des pertes d’emploi massives dans ces secteurs.
- L’outil est au fond un excellent outil de formation professionnelle on the job, et une fois finie la formation, on peut s’en passer. Ce qui laisserait penser que ce type d’emploi peut s’ouvrir à des personnes moins qualifiées et peut au contraire ouvrir des opportunités d’emploi.
L’expérience est encore un peu courte pour pouvoir trancher facilement. À suivre donc. Vox-Fi signale à ses lecteurs une remarquable interview de Daron Acemoglu, professeur au MIT, sur ce même sujet. Il ressort qu’une dimension clé du débat sur l’AI et la productivité qu’il importe, éventuellement par la régulation, que cette innovation ne joue pas, une fois encore s’agissant du progrès technique, contre la place des travailleurs dans l’entreprise, mais soit au contraire propre à stimuler leurs potentialités.