La nouvelle directive européenne (CSRD) publiée le 16 décembre 2022, constitue une avancée significative dans les pratiques des managers – notamment des DAF et des responsables de la RSE, mais aussi des métiers du chiffre et du droit. Alors que l’Union européenne s’était alignée sur les standards anglo-saxons de comptabilité financière (IFRS), le référentiel extra-financier européen se distingue du référentiel international de l’ISSB, publié le 26 juin 2023 sous la forme de deux normes climatiques (IFRS S1 et IFRS S2).

Les approches européenne et internationale visent le même objectif, centré sur la prévention et la correction des impacts positifs et négatifs des activités des entreprises, mais les deux référentiels présentent des différences notables. Selon la directive CSRD, les « rapports durabilité » des entreprises de l’Union européenne afficheront des indicateurs répartis en 4 types de normes ESG (transversales, environnementales, sociales et de gouvernance) et 13 standards de soutenabilité (ESRS), tandis que le référentiel ISSB se limite provisoirement à des normes climatiques. La Commission européenne préconise l’application d’une double matérialité, à la fois financière et matérielle, des « impacts, risques et opportunités » des activités des entreprises, alors que le référentiel international se limite actuellement à des enjeux financiers.

La directive CSRD imposera progressivement un « reporting de durabilité » à toutes les entreprises (hors micro) selon un calendrier échelonné des années de référence 2024 à 2028. Les données publiées par les entreprises devront être auditées et certifiées par des commissaires aux comptes assistés de tiers indépendants (les PSAI) comprenant des sociétés de services affiliées à l’association Filiance, des avocats et des experts comptables, spécialement formés aux différentes disciplines (techniques, juridiques, comptables…) mobilisées par la RSE et le développement durable. Les PSAI seront supervisés en France par le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (H3C), rebaptisé Haute Autorité de l’Audit (H2A).

La mise en œuvre du référentiel européen d’audit extra-financier mobilise un nombre croissant d’acteurs publics et privés. Elle est dominée par plusieurs institutions comme l’EFRAG pour la Commission européenne, la CNCC pour le Ministère français de la Justice, l’ONEC pour les experts-comptables. Leurs démarches sont influencées par les associations professionnelles de plusieurs métiers : les DAF et les contrôleurs de gestion, les sociétés certificatrices, les gestionnaires d’actif, les banques, les assureurs…), par les think tanks des ONG et par des laboratoires universitaires. Ces multiples acteurs sont confrontés à des problématiques techniques – comme l’identification des externalités négatives et positives des activités des entreprises, ou la cartographie des scopes 1, 2 et 3 des impacts carbone, mais aussi économiques – comme la mesure et la valorisation de ces impacts ainsi que stratégiques – comme le positionnement ESG de l’entreprise dans son secteur d‘activité et sa zone d’influence. La sélection des indicateurs de référence varie en fonction des influences respectives de ces acteurs au cours de chacune des phases du processus. Elle est en partie dictée par les interactions entre les indicateurs ESG et les cours boursiers.

La rédaction des rapports de durabilité conformes à la CSRD et aux normes IFRS S, soulève des problématiques dont la résolution exige de mobiliser à la fois des gestionnaires, des comptables, des financiers, des universitaires et des experts de diverses disciplines relevant de l’Impact, Risk and Opportunities Management (IROM). Ce nouveau mode de pilotage stratégique et opérationnel de l’entreprise est encore dans sa phase d’apprentissage, car ses concepts et ses modèles ne sont pas tous stabilisés et sa mise en œuvre suscite des débats dans les milieux professionnels et scientifiques. Mais les managers et les auditeurs sont déjà assistés par des applications d’IA générative de type Chat GPT, les renseignant sur les règles, normes ou marqueurs applicables ou observables dans les principaux secteurs d’activité. Enfin et surtout, l’application des nouvelles normes CSRD et IFRS S devrait rendre publique la démarche de réflexion stratégique qui relevait jusqu’à présent des actionnaires et des dirigeants des entreprises. Cette transparence devrait entraîner la limitation du green and social washing, et la révision de certains modèles de management.

 

Sigles

CSRD : Corporate Sustainability Reporting Directive

IFRS : International Financial Reporting Standards

ISSB : International Sustainability Standards Board

ESRS : European Sustainability Reporting Standards

PSAI : Prestataires de Services d’Assurance Indépendants

EFRAG : European Financial Reporting Advisory Group

CNCC : compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes

ONEC : Ordre National des Experts Comptables.