La quatrième édition du Vade-mecum de l’Administrateur est un ouvrage pratique destiné à la fois aux administrateurs de sociétés et à tous les candidats à ce type de responsabilité, il a une vocation plus large : comprendre la gouvernance d’entreprise et son rôle central dans la création et la répartition de la valeur et proposer des outils et des idées pour faire progresser la qualité des choix stratégiques et financiers d’une entreprise.

Le rôle des conseils d’administration reste encore très largement mystérieux ou incompris. Cet ouvrage permettra également à tous ceux qui ont l’occasion d’interagir avec le conseil de mieux comprendre la situation dans laquelle se trouvent ses membres et de prendre les dispositions nécessaires pour leur permettre d’apporter une vraie valeur ajoutée. Il constitue également une ressource que nous espérons utile à tous ceux qui s’intéressent au management des entreprises, en particulier les étudiants.

Édité sous les auspices de l’IFA, ce Vade-mecum s’inscrit dans cette conviction forte que les conseils doivent être actifs et que les administrateurs doivent être courageux et engagés.

 

La structure du Vade-mecum

Un mot tout d’abord sur la structure. Le Vade-mecum comporte toujours trois parties :

  • La première est consacrée aux grandes étapes de la vie de l’administrateur. Elle prodigue des conseils pratiques pour se prononcer sur l’opportunité d’accepter un mandat, pour collecter et analyser l’information donnée aux administrateurs, pour contribuer à la délibération du conseil et, enfin, pour quitter ce dernier ;
  • La seconde partie porte sur l’environnement de travail de l’administrateur et couvre l’encadrement juridique de la fonction, la composition, l’organisation et le fonctionnement du conseil ;
  • La troisième partie est consacrée aux décisions les plus importantes qu’un conseil est amené à prendre (sélection et évaluation du dirigeant, stratégie, revue des performances, gestion des risques, politique RSE, etc.)

Le changement le plus significatif est l’adjonction d’un chapitre introductif intitulé « la raison d’être du conseil » qui présente la philosophie générale de l’ouvrage. Certes, l’indépendance et la compétence individuelle de l’administrateur sont essentielles. Mais elles restent vaines si elles ne s’intègrent pas dans une logique collective. L’administrateur n’a pas de pouvoir individuel. Les décisions du conseil sont nécessairement collégiales. Leur qualité repose sur deux conditions préalables : qu’elles s’inscrivent dans un système de gouvernance adapté à la situation de l’entreprise et qu’elles soient guidées par une théorie claire de la valeur.

 

L’architecture de la gouvernance 

La gouvernance est l’ensemble des mécanismes et des comportements qui encadrent le processus de création et de répartition de la valeur. Il s’agit d’un système complexe qui ne se réduit pas au conseil d’administration. Il englobe la direction générale et de nombreuses fonctions internes (audit interne, gestion des risques, relations des investisseurs, direction juridique, secrétaire du conseil, comité du conseil ou comités ad hoc, etc.) et externes (commissaires aux comptes, avocats, conseils, etc.) qui interagissent avec les administrateurs.

L’architecture du système est composée de trois éléments : sa structure organisationnelle, ses processus de décision et les axes de travail prioritaires du conseil. La réglementation et les bonnes pratiques sont suffisamment souples pour permettre celui-ci d’organiser une gouvernance spécifique en fonction des enjeux de l’entreprise, des caractéristiques de son actionnariat et de la personnalité des acteurs en présence. Une réflexion continue doit s’organiser sur cette architecture, réflexion rythmée par l’évaluation annuelle du conseil.

 

Une théorie claire de la création de valeur 

La seconde condition à respecter est de bâtir une conviction sur la façon dont l’entreprise peut créer et répartir la valeur qu’elle génère. Le débat quasi idéologique qui oppose les tenants de la valeur actionnariale à ceux de la valeur partenariale est inepte. La création de valeurs à long terme répond à une logique implacable : une entreprise qui n’est pas rentable s’expose à terme à des difficultés rendant vaine toute ambition sociétale ou partenariale. La valeur actionnariale ne peut être créée qu’avec des clients satisfaits et loyaux, des collaborateurs motivés et engagés et des fournisseurs fiables.

Les conseils sont conduits à prendre de nombreuses décisions qui, pour la plupart, auront des impacts sur la valeur créée ou perçue par les investisseurs. Ces décisions doivent prendre en compte de multiples intérêts, souvent contradictoires. Le conseil est donc de plus en plus dans une position d’arbitre. La pertinence, la cohérence et la légitimité de ses choix dépendent de sa capacité à mettre en place une boussole qui lui permette d’analyser les options présentées au cours du temps. Cette « meta-stratégie » comporte trois volets : la vision à long terme de l’entreprise et les avantages concurrentiels qu’elle pense pouvoir développer, les ressources internes qu’elle entend mettre en place à cette fin et la nature des interactions qu’elle veut organiser avec son écosystème.

 

Les nouveautés du Vade-mecum

Au-delà de cette philosophie qui inspire la plupart des chapitres, la quatrième édition version du Vade-mecum comporte de nombreuses nouveautés :

  • Plusieurs chapitres ont été complétés pour tenir compte de l’évolution de la réglementation ou des bonnes pratiques : la succession et la rémunération des dirigeants, l’élaboration et le suivi de la stratégie, la gestion des risques, la mesure de la performance globale de l’entreprise, la responsabilité sociale et environnementale.
  • Certains chapitres ont été complètement refondus comme la sélection et l’évaluation des dirigeants et deux chapitres consacrés respectivement à l’allocation du capital et au capital humain ont été ajoutés.
  • Des développements significatifs sont consacrés aux dysfonctionnements cognitifs qui pénalisent la qualité des décisions et des conseils. En particulier dans la sélection et l’évaluation des dirigeants, ainsi que les choix stratégiques et financiers. Des techniques pour les éviter ou en réduire les effets sont donc suggérées.

Les thèmes de réflexion

Cette nouvelle version est l’occasion de suggérer quelques thèmes de réflexion qui nous semblent importants pour l’avenir de la gouvernance et le bon fonctionnement des conseils d’administration :

  • L’indépendance cognitive et collective du conseil est aussi critique que l’indépendance individuelle de chaque administrateur. Cet objectif implique de donner au conseil une capacité d’analyse propre qui puisse venir contredire ou ajouter à la vision du management. À cet égard, nous réitérons la proposition de mettre en place un budget destiné à couvrir le fonctionnement de la gouvernance. Ce budget doit être placé sous la responsabilité du conseil. Il ne faut pas qu’il ait à demander l’autorisation d’engager telle ou telle dépense à la direction générale.
  • Chaque conseil devrait développer sa propre philosophie de la gouvernance et l’exprimer d’une manière vivante et non pas artificielle dans le rapport annuel de gouvernement d’entreprise. Je pense (mais ce n’est pas une proposition du Vade-mecum) qu’un « say on governance » serait une innovation intéressante, car elle permettrait aux investisseurs de se prononcer sur la qualité apparente de la gouvernance d’une société.
  • Les conditions dans lesquelles s’effectuent les débats du conseil doivent être discutées par les administrateurs, notamment à l’occasion de l’évaluation annuelle. Certaines techniques d’animation peuvent être extrêmement utiles pour prendre des décisions de qualité, et il est dommage que trop peu de ces conseils soient pratiqués. La question de l’animation des débats se pose également. Le Président n’est pas forcément le mieux placé pour les conduire lorsque le sujet doit impérativement être traité avec le plus d’angles possible. Il convient de rechercher la controverse, alors que trop souvent on privilégie la recherche du consensus.
  • L’évaluation du dirigeant est un sujet mal appréhendé. Les systèmes de rémunération et les critères de performance sont devenus trop précis et rigides pour permettre au comité de rémunération et au conseil de procéder à une évaluation qui devrait nécessairement comporter une dimension discrétionnaire.
  • Le rôle des comités est de préparer les décisions du conseil. Cependant, ne faudrait-il pas mieux qu’ils préparent le débat (sans prendre une position officielle) afin que celui-ci soit totalement ouvert, que tous les éléments de risques soient identifiés et présentés et que les administrateurs se sentent totalement libres d’en discuter. Lorsque l’on attend du conseil qu’il se prononce sur des questions très stratégiques ou sur des enjeux majeurs, il ne faut surtout pas préempter les débats.
  • La réglementation en matière d’information extra-financière devient de plus en plus détaillée. Il faut éviter que les conseils se noient dans le détail. Ils doivent se positionner sur les initiatives qui leur semblent les plus importantes pour créer de la valeur à long terme. Les liens entre stratégie, politique ESG, création de valeur, indicateurs de performance et critères de rémunération des dirigeants doivent être établis et communiqués. C’est à cette condition que la valeur créée par l’ESG sera reconnue par les investisseurs.
  • Les administrateurs sont désignés par les actionnaires. La loi leur impose de travailler dans leur intérêt même s’ils doivent prendre en considération un intérêt social élargi aux questions environnementales et sociales. La compréhension des attentes des investisseurs est donc nécessaire. Lorsque l’entreprise n’est pas cotée, la tâche est relativement aisée. Elle est plus difficile pour les entreprises cotées qui doivent faire face à un actionnariat dispersé dont les motivations et les intérêts peuvent être très différents en fonction de la date et la stratégie d’investissement. Pour autant, l’empathie actionnariale est une qualité indispensable pour éviter les crises boursières. Des techniques existent pour analyser les attentes du marché. Elles sont évoquées brièvement dans le Vade-mecum, et j’y reviendrai ultérieurement.

 

Le Vade-mecum est disponible à l’IFA depuis le 24 juin 2023.