L’entreprise à la recherche de la pierre philosophale
La recherche de l’organisation capable d’attirer et de fidéliser ses acteurs mobilise non seulement les candidats à l’emploi, mais aussi les praticiens, les consultants et les chercheurs en GRH. Elle comporte un enjeu national dans la mesure où en France, près d’un million d’emplois ne trouvent pas de candidats. Ainsi, elle convoque de plus en plus de disciplines : l’anthropologue attribue l’instabilité professionnelle des « milléniaux » à la recherche d’une meilleure qualité de vie ; le démographe relativise la mobilité professionnelle en fonction de l’âge, du genre, de l’origine sociale et de la qualification du salarié, ainsi que de la taille de l’entreprise et de son statut actionnarial ou familial ; le sociologue signale les carences de l’entreprise en matière d’apprentissage, de transmission de compétences et de formation qualifiante ; le géographe attribue la mobilité excessive des salariés les plus qualifiés, à la localisation de l’entreprise dans un bassin d’emplois dynamique ; l’ergonome révèle les contrôles intrusifs des comportements et l’automatisation excessive des postes de travail, observés dans certaines entreprises ; le partenaire social dénonce les organisations offrant de mauvaises conditions de travail et des rétributions insuffisantes ; le politique critique la montée des contrats précaires et de « l’uberisation » du travail ; le psychologue avance l’incapacité de l’organisation à donner du sens à l’activité collective ; le psychanalyste explique l’attrition professionnelle par l’absence de leadership, par l’emprise « paradoxante » des systèmes et des procédures, ou simplement par la souffrance au travail. Enfin, le manager propose de nouveaux modèles d’organisation, visant notamment à attirer et à fidéliser les salariés. L’entreprise est présentée comme étant plus « responsable, durable, inclusive, intégrée, connectée, flexible, libérée etc. »
Malgré la diversité de leurs observations et de leurs hypothèses, la plupart de ces parties prenantes s’accordent toutefois sur l’importance pour l’organisation de confier à ses acteurs des projets ou des taches à la fois autonomes, responsabilisantes, qualifiantes et épanouissantes, faisant notamment appel à un esprit créatif et collectif. Cependant, la condition la plus déterminante semble être de nature « philosophale » — ou philosophique —, dans la mesure où les organisations les plus durablement attractives sont désormais celles dont les discours et les pratiques sont soucieux d’éthique, de conformité et d’équité, excluant les comportements opportunistes et délictueux, les social & green washings ainsi que les activismes sociétaux et environnementaux. Mais comme toute pierre philosophale, ce type d’entreprise ne relève- t- elle pas de l’utopie ?
Vos réactions
Merci pour cette réflexion.
Il est certain que la fidélisation des collaborateurs est un enjeu.
Nous avons changé de paradigme : orientée majoritairement client puis actionnaires et enfin collaborateurs, l’entreprise se pense désormais en marque employeur. Cependant, à se penser en marque, n’incite-t-elle pas ses collaborateurs à devenir des consommateurs de l’emploi ?
Je pense, à mon sens, que l’entreprise doit se persuader que ses collaborateurs sont de passage et doit ainsi faire en sorte qu’ils soient le plus performants au niveau collectif pendant ce passage. Cela implique de développer les outils pour capitaliser sur l’expérience, de faire en sorte que cette expérience se transmette et de définir une culture forte pour développer très vite un sentiment d’appartenance à un groupe…
Bref la recherche d’une pierre philosophale effectivement
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