Selon le rapport Pisani-Ferry publié le 22 mai 2023, le coût faramineux de l’adaptation aux objectifs environnementaux serait de 250 à 300 milliards d’euros de dette en plus, en cumulé, en 2030, soit 66 milliards par an. Pour l’Union européenne, le montant du financement de la TEE serait de 400 milliards de dollars par an (100 milliards environ pour la France) et environ 3 % du PIB.

Les Institutions européennes prévoient de mobiliser plus de 372 milliards d’euros d’ici 2027 pour promouvoir la réindustrialisation verte en Europe et visent à fournir plus de 26 milliards d’euros de garanties aux intermédiaires financiers dans toute l’Europe, chaque pays apportant sa contribution, afin d’aider les bénéficiaires à obtenir des prêts plus facilement ou à de meilleures conditions auprès des banques et d’autres bailleurs de fonds.

Les projets éligibles au prêt vert visent pour les « Scopes 1, 2, 3 » (respectivement les émissions directes de GES, les émissions de GES indirectes liées à l’énergie, les autres émissions indirectes de GES produites par les activités de l’organisation), notamment les achats pour le Scope 3 [1].

Qu’il s’agisse de prêt bancaire ou d’obligations, les contrats précisent que le coût de financement sera majoré en cas de non atteinte d’un objectif de performance durable. Les objectifs fondés sur des données scientifiques deviennent alors des éléments essentiels pour assurer la légitimité de ces contraintes. Ces projets devront respecter des éléments mentionnés par la Directive CSRD tels que le concept de double matérialité, l’implication des organes de gouvernance dans le choix d’un modèle d’affaires durable et la standardisation des indicateurs clés de performance (KPI) avec des informations « compréhensives, pertinentes, représentatives, comparables sur des référentiels validés scientifiquement ». Aussi les entreprises ont-elles un chantier chronophage et indispensable à mener rapidement. Comment s’y prennent-elles ?

Il convient de déterminer avec un Comité d’impacts après avoir classé et mesuré les émissions de GES, la Valeur Actualisée Nette du surinvestissement en carbone du surcoût lié à la décarbonation et celle, positive, de l’impact carbone, et de vérifier l’alignement entre le projet, le business plan de l’entreprise (suivant le protocole ACT®) et les ODD ; puis construire le profil GES® et le bilan carbone® de l’entreprise

La valorisation des impacts rencontre des difficultés en raison de l’incertitude attachée aux hypothèses : le prix à long terme de la tonne de carbone (marché des quotas carbone), le coût du capital (beta), le seuil de rentabilité des investissements bas carbone, la valeur du capital immatériel (apports de compétences, gains d’image…) engendré par la décarbonation ; de l’hétérogénéité des données issues des bases carbone de l’ADEME, de la Chambre Syndicale du BTP, des rapports du GIEC, etc. ; de l’imprévisibilité des horizons des projections : durée de vie de l’infrastructure ou du bâtiment ; durée et variabilité des émissions. La maitrise de la donnée est fondamentale et il s’agit de la difficulté majeure rencontrée par les entreprises financières et non financières. Les projets en cours combinent des approches systémiques, des expertises sectorielles, des réseaux d’experts techniques et des outils de valorisation de données pour faciliter la compréhension de l’existant, la prise de décisions et le déploiement de projets à impact. L’environnement d’utilisation de la donnée revient à identifier les utilisateurs / contributeurs et données – internes ou externes, les données structurées et non structurées, celles en accès libre ou privés, les données thématiques et sectorielles, les usages individuels et collectifs, les informations à saisir, à simuler, à cartographier.

Puis le projet conduira à bâtir les plans d’action et à maintenir les KPI selon les tableaux d’avancement, de suivi et de performance, rafraichir les axes d’amélioration, garantir la pérennité des financements correspondants et la promesse faite par l’entreprise à ses parties prenantes.

 

[1] On classe les émissions de GES en 3 catégories dites « Scope » (pour périmètre, en anglais).

Scope 1 : émissions directes de chacun des secteurs d’activité Obligatoire dans le décret sauf pour la production d’électricité et de chaleur dont c’est la contribution en scope 2 (voir paragraphe suivant) par secteurs d’activité qu’il est demandé aux territoires d’estimer. Ce sont celles qui sont produites sur le territoire par les secteurs précisés dans l’arrêté relatif au PCAET : résidentiel, tertiaire, transport routier, autres transports, agricole, déchets, industrie, branche énergie hors production d’électricité, de chaleur et de froid. Elles sont le fait des activités qui y sont localisées y compris celles occasionnelles (par exemple, les émissions liées aux transports à vocation touristique en période saisonnière, la production agricole du territoire, etc.). Les émissions associées à la consommation de gaz et de pétrole font partie du scope 1.

Scope 2 : émissions indirectes des différents secteurs liées à leur consommation d’énergie

Leur prise en compte est obligatoire dans le décret pour la consommation d’électricité, de chaleur et de froid. Ce sont les émissions indirectes liées à la production d’électricité et aux réseaux de chaleur et de froid, générées sur ou en dehors du territoire mais dont la consommation est localisée à l’intérieur du territoire.

Scope 3 : émissions induites par les acteurs et activités du territoire

Elles peuvent faire l’objet d’une quantification complémentaire. Le décret prévoit que certains éléments du diagnostic (ou des objectifs, voir section dédiée) portant sur les gaz à effet de serre peuvent faire l’objet d’une quantification complémentaire prenant encore plus largement en compte des effets indirects, y compris lorsque ces effets indirects n’interviennent pas sur le territoire considéré ou qu’ils ne sont pas immédiats. La prise en compte des émissions indirectes est recommandée car si la France a réduit ses émissions directes, ses émissions indirectes sont en croissance.

Il s’agit par exemple :

  • des émissions dues à la fabrication d’un produit ou d’un bien à l’extérieur du territoire mais dont l’usage ou la consommation se font sur le territoire ;
  • des émissions associées à l’utilisation hors du territoire ou ultérieure des produits fabriqués par les acteurs du territoire ;
  • des émissions de transport de marchandises hors du territoire.
  • des émissions de transport de marchandises hors du territoire.

 

Cet article est une version enrichie de l’article publié sur l’Agefi le 7 juin 2023.

 

Cet article a été initialement publié sur Vox-Fi le 23 juin 2023.