Les historiens resteront pendant des siècles stupéfaits par la réémergence chinoise au tournant du XXe et XXIe siècles. Le PIB par tête de ce pays est passé de 6,6% de son équivalent étatsunien en 1995, à 25% en 2019 (mesuré en « parité de pouvoir d’achat, c’est-à-dire corrigé des variations intempestives des devises). Sachant la taille de la population, le PIB chinois, dans la même mesure, dépasse désormais celui des États-Unis.

Ce qui étourdissant est davantage dû à la dimension du pays qu’à la prouesse de croissance. Pour le voir, il est utile de comparer la croissance de l’économie chinoise à celle des autres pays situés en Asie. Souvenons-nous : il y a eu le Japon, puis les Tigres asiatiques, Corée du Sud, Singapour, Taïwan. Et sans doute à présent le Vietnam ou l’Indonésie.

Dans un billet récent de Vox-EU, Jesús Fernández-Villaverde, Lee Ohanian et Wen Yao font la comparaison entre la Chine et trois pays asiatiques que sont la Corée du Sud, la Taiwan et le Japon. Pour cela, ils ne font que décaler le début de la période de référence : 1972 pour ces trois pays représentatifs de l’Asie, et 1995 pour la Chine. On observe la croissance de la trajectoire dans le graphique qui suit (où l’année 0 est respectivement l’année de début du cycle de forte croissance).

 

 

La courbe bleue représente la Chine. Elle est parallèle à celle des trois pays représentatifs (en pointillés rouge) et marque même un net fléchissement depuis trois ou quatre ans, ceci avant même la crise du Covid19 — puisque le graphique s’arrête à 2019. La trajectoire de croissance des trois pays représentatifs s’infléchit elle aussi (l’ordonnée du graphique est en logarithme, ce qui signifie qu’une croissance constante est représentée par une droite), une chose naturelle pour un pays s’approchant de la frontière technologique : il faut tendre la main de plus en plus haut dans l’arbre pour y cueillir les fruits de l’innovation.

Aucun avantage frappant pour la Chine. Cela d’autant moins qu’en 27 ans (de 1972 à 2019), le niveau technologique des pays avancés a fortement crû, de sorte qu’on pourrait s’attendre à ce que joue plus fortement l’effet de rattrapage, à la frontière technologique pour les retardataires. Les trois pays de référence sont désormais des pays « avancés » ; il n’est pas exclu que la Chine voit toujours creusée devant elle, la « trappe du revenu intermédiaire ». Ce terme désigne l’incapacité à rattraper les chefs de file, en matière de niveau de vie jusqu’à un niveau intermédiaire, avant de cogner une sorte de plafond de verre.

Ce n’est pas forcément ce qu’on peut souhaiter pour ce grand pays et ni pour le reste du monde.

Pour éviter des distorsions géopolitiques, il serait souhaitable de voir émerger des économies dynamiques dans d’autres régions du monde, comme l’Amérique latine ou l’Afrique.