Pourquoi les achats représentent-ils un levier stratégique fondamental pour le directeur financier et comment la digitalisation peut-elle aider à mieux maîtriser un processus très complexe ?

Traditionnellement, le pilotage économique des achats comportait deux volets :

  • La consommation de matières ou de services vue sous le double angle des prix et de l’efficience
  • L’administration du processus achats-approvisionnement, vu sous l’angle du coût de gestion des transactions avec des KPI du type coût de gestion d’une commande ou coût de la logistique d’approvisionnement.

 

Cette vision de la performance, pour être pertinente, suppose une grande stabilité dans le portefeuille des produits achetés, la variable d’action contrôlable étant essentiellement le prix et, dans une moindre mesure, le coût de l’administration du processus perçu comme une source de « frais généraux ». Dans cette approche, il n’y a pas de remise en cause du contenu des achats vu sous l’angle de la requalification des besoins, non plus que des risques liés au choix des fournisseurs, et, encore moins de la répartition de la chaîne de valeur entre l’entreprise et ses fournisseurs. Ce dernier point suppose des réflexions structurées face à des décisions de « make or buy » et donc de gestion de la sous-traitance.

Or, comme l’explique très bien Arnaud Malardé, expert achats au sein du cabinet Ivalua, le métier d’acheteur est devenu infiniment plus complexe et requiert une compétence stratégique couplée avec des moyens digitaux conséquents. Parmi les préoccupations d’un acheteur moderne, l’on peut citer, la gestion des risques liés aux fournisseurs, qu’il s’agisse de risques financiers, de risques géopolitiques tels que nous les vivons aujourd’hui, de risques juridiques en liaison avec le contexte règlementaire, par exemple les contrôles de conformité des fournisseurs avec les obligations, éthiques notamment, induites par la loi Sapin 2. Ces mêmes préoccupations d’éthique sont évoquées dans l’article du GRT Gaz quant à l’importance des KPI liés au développement durable dans l’évaluation de la performance des achats. Le spectre des préoccupations de pilotage des achats est donc considérablement élargi. Il vaut, d’ailleurs, mieux, comme le mentionne l’article de Thomas Decamp, parler de pilotage du « Spend » plus large que les seuls achats et recouvrant l’ensemble de la chaîne depuis l’expression des besoins et leur requalification (démarche d’analyse de la valeur), puis l’évaluation des fournisseurs, la négociation des contrats, enfin la maintenance des référentiels de données, jusqu’au traitement des transactions d’achat, à proprement parler. Ceci en cohérence avec les obligations règlementaires en matière de facturation électronique. Un acheteur moderne doit chercher à bien connaître ses fournisseurs, qu’il s’agisse d’aspects financiers , d’aspects techniques sur les technologies concernées (démarche KYS [Know your supplier]) ou encore d’analyse des marchés. Le métier d’acheteur et le pilotage des performances qui l’accompagnent deviennent donc très stratégiques.

 

Le système d’information est une aide précieuse pour l’acheteur qui doit prendre des décisions stratégiques, d’une part, tout en assurant le service quotidien de la gestion des commandes, des réceptions et des factures, d’autre part. Comme l’explique Fabrice Roux, Directeur du Contrôle de gestion de Ponticelli, l’ERP, SAP en l’occurrence, reste la colonne dorsale du pilotage des flux d’achats, au travers de contrats cadres, de données techniques associées aux articles, calcul des besoins… Une gestion rigoureuse des données alimentant ce pilotage est indispensable. A cet égard, un outil essentiel de construction et de maintenance du système d’information des achats est la construction de référentiels, sous la forme de dictionnaires de données. Deux référentiels sont primordiaux, le référentiel « fournisseurs » qui rassemble, en un même endroit, toutes les informations nécessaires à un fournisseur et le référentiel « contrats ». Ces deux référentiels doivent être gérés dans un endroit unique, pour permettre l’exploitation fiable de données par le SI. Un autre élément, structurant pour le système d’information, a trait aux dispositions règlementaires sur la facturation électronique. Ces dispositions règlementaires imposent un format unique pour la transmission de données constituant une facture. Ceci oblige à une adaptation des outils de facturation, avec l’aide éventuelle d’un tiers de confiance. A cet égard, comme le souligne Thomas Decamp de la société Proactis, s’ouvre une opportunité d’élargir le périmètre de pilotage du processus achats/approvisionnements, à l’ensemble de l’engagement des dépenses, ce que l’on appelle le « Spend ». Au plan des outils, la mise à niveau règlementaire des formats de factures ouvre là une opportunité, à l’image du GRT Gaz d’élargir le périmètre de pilotage aux critères RSE de développement durable, à la qualification des besoins au travers de démarches d’analyse de la valeur apportée par les fournisseurs avec des réorientations éventuelles. Enfin, il y a un enjeu fort de pilotage transversal du processus, par exemple pour un benchmark du coût de traitement d’une commande depuis l’expression du besoin jusqu’au règlement de la facture.

La digitalisation du processus « Spend » doit donc être comprise comme un projet très vaste impliquant une réflexion d’ensemble sur la stratégie de l’entreprise et sur la chaîne de valeur sous-jacente.