L’actionnariat salarié représente en moyenne 3,26 %[1] du capital des sociétés européennes (contre 2,37 % en 2006). Derrière cette moyenne se cachent des situations très disparates selon les pays :

Ainsi, la France apparaît comme un champion européen en termes d’actionnariat salarial démocratique avec plus de 5 % du capital détenu par les salariés (et majoritairement hors du management). À l’opposé, l’Allemagne ne voit que moins de 2 % du capital détenu par les salariés (ce qui est certainement compensé par une participation active des salariés à la gouvernance). En France, 75 % des entreprises cotées ont plus de 1 % de leur capital détenu par les salariés, contre seulement un tiers en Allemagne, mais 49 % en Italie et 62 % au Royaume-Uni.

 

[1] « Recensement économique annuel de l’actionnariat salarié dans les pays européens » – Fédération européenne de l’actionnariat salarié – Étude réalisée sur 3149 entreprises dans 32 pays représentant 34,5 millions d’emplois.

 

Cet article a été initialement publié dans la Lettre Vernimmen.net n°209 (juin 2023). Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.

 

Commentaire de Jean-François Bosquet (26 juillet 2023)

Le graphique est extrait du recensement annuel de l’actionnariat salarié dans les pays européens publié par la FEAS (fédération européenne de l’actionnariat salarié).

La supériorité de la France en matière d’actionnariat dit démocratique (hors management) s’explique largement par l’épargne salariale qui concerne l’ensemble du personnel et dont une partie est investie en actions de l’entreprise, cotée ou non, dans le cadre d’un PEE principalement. Contrairement aux autres pays européens, la France a mis en place de longue date un système de participation obligatoire, qui impose un partage du profit et draine des fonds investis à 5 ans minimum favorisant la détention d’une part du capital de l’entreprise. L’intéressement y concoure aussi quand il n’est pas perçu en cash. Et l’abondement de l’entreprise s’ajoute à l’épargne du salarié. La future loi sur le partage de la valeur va étendre le champ de l’épargne salariale aux entreprises de moins de 50 salariés. Il est clair que plus abondante est l’épargne salariale, plus élevé est l’actionnariat salarié.

Le gouvernement, par la voix de son ministre Bruno Le Maire, s’est donné comme ambition « qu’une part significative du capital des entreprises, visant les 10%, puisse être détenue par les salariés, en moyenne ».

La fiscalité française est favorable à l’actionnariat salarié et limite le risque du salarié sur les actions. Le forfait social est passé de 20 % à 10 % pour les entreprises de plus de 50 salariés qui décident d’abonder un FCPE pour aider les salariés à devenir actionnaires. Ces derniers peuvent bénéficier d’une décote de 30 % sur le prix de l’action – contre 20 % auparavant – lorsqu’ils s’engagent pour une durée de cinq ans, et de 40 % lorsque l’engagement est bloqué durant dix ans.

Cela dit, le graphique doit être mis en perspective. L’actionnariat salarié en Europe ne cesse de se dégrader depuis 2011 constate la FEAS. Les salariés détiennent bien en 2022 3,3% du capital de leur entreprise, soit 447 milliards d’euros, un record historique. Mais la part détenue par les salariés ordinaires régresse au profit des dirigeants exécutifs qui «se taillent la part du lion » : 1,63% et 224 milliards pour 9.600 personnes, soit quatre dirigeants en moyenne par entreprise. Alors que les salariés ordinaires « piétinent » : 1,63% et 223 milliards pour 6,8 millions de salariés, révèle la FEAS. « Ce constat sanctionne l’échec de l’Europe à promouvoir une politique d’actionnariat salarié démocratique, tandis qu’au contraire elle s’accommode de l’envolée des dirigeants exécutifs », conclut la FEAS.

La France n’échappe pas à ce constat, même si elle dispose d’atouts spécifiques. Il est vrai que les politiques d’actionnariat salarié restent nationales, alors que la part des salariés à l’international croît. Le salarié qui bénéficie d’avantages dans son propre pays ne les retrouve pas ou peu à l’étranger.